mercredi 10 avril 2019

L'ASILE

Crédit photo Arnaud Chatelard

Abandonné, l’asile se murmure. L’herbe folle capitonne les cellules. L’extérieur est entré, il ne veut pas s’en sortir. Se plante et replante un jardin piétiné sans souliers. Les allées venues se sèment en dedans et se couvrent de pelouse.
Les yeux se ferment…
Lundi, jeudi, les épinards hachés ! La psychose a pris l’eau sous la pluie d’avril depuis mars des fous sans prendre de calmants. Les fenêtres sont tombées et les portes béantes. Elle germe à la folie, l’odeur de la verdure... des pousses poussent en tapis resserrés, traversent les couloirs, grimpent les escaliers et s’accrochent au plafond.
Les yeux se ferment…
Parfums d’hôpital… désinfectants à la serpillière, rôti bouilli, nettoyage à sec des blouses infirmières… Bruits de flacons caoutchoutés où pique la seringue, cachets qui s’échappent et cliquètent dans le siphon du carrelage… piétinements, battements, glissements, froissements, jeux de mains, tête à claques, claques à tête… douches froides qui se taisent lentement. Du vent dans la cervelle… une sauterelle rigole… l’air court longuement.
Les yeux se ferment…
Un cri... une voix… qui ne se répondent pas. Et planent les papillons.
Les yeux se ferment… Envolés les tablés, les givrés, les mal barrés de la tête, dans une brume chimique qui enveloppait leurs oreilles et s’attachait sous le cou… les pieds devant, les mains derrière, la camisole en bandoulière et la bouche plantée d’une pâquerette… par le petit train électrique… branchés aux électrodes et deux poignées de mains.
L’asile demeure, sans raison, à en devenir fou. Il a mangé le temps, s’est repeint en pré cru. Il s’est mis au vert, divague à l’âme, se prend pour un champ.
Les esprits dérangés ne se réveilleront pas, peu importe l’heure à laquelle on passera la tondeuse…
Et le lierre…

ENVERS

Crédit photo Arnaud Chatelard

Le temps remonte. Il s’écrasait. Le temps remonte. Je me souviens son poids. Il m’écrasait moi. Tombée par terre. De tout son poids. Sur moi. Le temps remonte. Remonte tout droit. Au sens passé. Me retrouver. Le temps remonte. Une seule fois. Sans m’arrêter. Et prendre l’air. Tête en arrière. Paupières feutrées. Gros traits marqués. Plus en arrière. Reprendre le cours. Quand il coulait. La pluie remonte. Elle s’écrasait. De haut en bas. Sens inversé. Elle tombe envers. Et contre moi. Retourne mes pas. Et marche arrière. Où ça allait. Où j’allais moi. Ou quand. Bien plus que pas. Je remonte. Je m’écrasais. Remonte. Pied au plancher. Et percuter. Toi. Dans une allée. J’allais. Où. Le temps remonté se déroulera. Sans s’écraser. Ni sur mes doigts. Me suis. Je. Moi. Retrouvée. Nez à nez.
Deux moi. Deux mois. De toi.

IL ME PARLE DE

Crédit photo Arnaud Chatelard

Il me parle de la mort.
Qu'il faut qu'il fasse vite. Parce qu'elle va s'écrouler sur lui. Un plafond pourri. Pas besoin de mentir. Il s'écroulera. C'est comme ça.
J'ai déjà vu un plafond pourri s'écrouler. Ça ne fait pas de bruit. Ça s'écroule au ralenti. Et ça ne s’arrête pas. Alors je sais qu'il s'écroulera.
Il me parle de la mort.
Ce qu'il doit faire avant. Qu'il ne pourra plus faire après. Quel manque de discernement. Après on ne se rend plus compte. Plus de soucis. Plus rien !
Alors respire.
Lentement.
On parle de plafond pourri si tu veux. Et pourquoi toi le premier ? C'est vrai... Ou alors ensemble tiens ! Un coup de foudre main dans la main. Un champ de coquelicots. Une baffe d’orage d'été sur fond de chant de crapauds. La nuit c'est particulièrement beau. Pas besoin de s'affoler.
Non fais !
Tout ce que tu veux. Tout. Pas besoin de craindre le plafond pourri 
pour ça.
Fais.
C'est ce qu'il faut, faire.
N’aie pas peur. Si tu as peur ce sera mal fait. Alors fais !
Et si tu veux, je fais tout avec toi. Et on fera tout dehors. Il n'y a pas de plafond pourri dehors. Juste un ciel qui se froisse gris qui joue à faire la pluie. 
Qui s’amuse dans un lit.

PAUL FACE DE RAT

Crédit photo Arnaud Chatelard

La première rentre comme dans du beurre. Il s’en pique trois dans sa peau lourde peau de paupière. Trois épingles de signalisation trouvées plantées dans le pantalon. Un sur mesure, une coupe coquette. Quand le rideau de son œil s’ouvre… Punaise c’est beau ! Il en achète toute une boite chez la piqueuse à gros nichons, celle qui sent la transpiration. Il joue à la couturière, à troue la carte, voyage à plat. Et dix aiguilles piquées derrière, de haut en bas dans sa mappemonde de crâne de rat… des jaunes des rouges et des pas mûres. Il est pas beau. Bien habillé. Pas beau tout court. Bien repassé. Déferme les traits étire déploie… un gros ourlet Paris New York à vol d’oiseau en tirets courts… Il itinéraire sa gueule fermée de pointes courtes à tête boule et en couleur. Ah oui c'est beau ! Quel pantalon ! Ah c’est la fête ! Paul face de rat s’aiguille, retrace la route, inverse le va, allez reviens !... recule balise recoud s’emporte pièce pointe circonflexe se tire le portrait à quatre épingles… punaise ! et marche loin les genoux noués la tête fermée dans une fenêtre. Paul face de rat ne se plaît pas. Il s’est raté. Il s’est foutu la gueule en l’air. Tentatives désespérées.
   

vendredi 1 septembre 2017

IDÉE


Un jour il faudra que je lui bricole un interrupteur... la nuit on ne la voit pas... parce qu'allumée elle doit être belle aussi... la lampe du grenier.

RÊVES D'ÉTÉ

Ils ont chanté toute la nuit sur la penderie de ma chambre, les fanions du 14 juillet pendus en guirlande. Projetés par le jeu de lumière du voisin. Un jeu de lumière projecteur qui balance 300 watts pas moins, un coup bleu, un coup blanc, un coup rouge, qui fête la prise de la Bastille, qui me bouffe le compteur et fait sauter mes plombs. Le voisin qui dit qu'il ne prend pas de pastilles qu'il préfère les joints. Celui d'en face qui gueule sur son ordinateur après minuit jusqu'à ce qu'il tombe, par forcément de sommeil, la fenêtre grande ouverte, la fumée qui s'échappe, le pécos raccourci qu'il décoche sur le toit de la voiture du voisin, l'autre. Sans viser, sans se lever, sans s'arrêter de gueuler. La bagnole du voisin d'à côté. Celle garée un peu sur le trottoir, un peu qui dépasse, qui dégouline d'huile noire qui dégueulasse le devant de la coiffeuse. Celui qui s'est fait sucré le permis par une sucrière à gros trous. Le voisin d'à côté qui a un gros nez plein le nez de choses saupoudrés. Et la mairie qui s'en fout. Vous savez ce que ça coûte de déplacer un lampadaire comme ça ? Le lampadaire de la rue, je lui ai flingué la lumière d'un coup de manche à balai dans son cul rebondi... elle éclairait à rayures mes rêves dans la nuit. Et prendre des trucs à m'endormir.

MATIN

Il y a l'autre, celle qui écoute la radio, le son à la portière. Qui hurle les chansons pour se réveiller. À 30 de 6 heures tous les matins qu'un dieu se fait chier à refaire. L'autre qui coud la rue de pair en impair d'un zigzag au fil imaginé, d'un filet de fumée de pot encrassé. Ça pue le bruit de la boite à craquer, le bruit du frein à main bandé débandé, le bruit de l'emmerdement, du redémarrage en côte... C'est la rue qui descend. Elle s'arrête en montant, elle s'arrête sans arrêt. Elle livre le journal, elle livre à domicile les vaches qui s'étranglent aux fils barbelés, qui préfèrent être mortes avant d'être tuées. L'autre, la livreuse dans les fentes tirelires, qui fourre les boites de papiers indécents, de papiers mal torchés, la livreuse du matin qui nous donne l'heure. Je dors le matin.

RUES

Il ne me fallut pas longtemps pour constater que le silence venait d'une autre rue. Cette rue était celle des dormeurs de nuit. L'absence de bruit y régnait comme dans une boite qu'on venait de vider. Il y avait paraît-il une rue des dormeurs de jour, elle était ennuyeusement sombre. La lumière ne s'y pointait qu'en catimini. Petit catimini et robe de chambre en couverture mauve. Le mauve passé et le couverture pelucheuse à la râpe. Et la rue des indisciplinés, alternativement estampillée de rais solaires blancs et de faisceaux jaunes de lampadaires gris. Un coup l'un, un coup l'autre, empilés jusqu'à plus soif. Je m'étais trompée de rue. Je ne sais exactement si c'était parce que je n'avais pas emprunté le bon couloir de délestage juste après l'intrusion du camion de livraison ou si... La pluie aiguisée tranchait la gouttière en rondelles irrégulières dans un cisaillement cru de disqueuse. Du 33 tours entortillé en 78 qui lui collait une frénésie crispante. Ma main à couper ! J'avais les paupières roulés en nems aux crevettes, des stores à ciel ouvert. Fallait que je les déroule si je voulais finir quelque chose... au moins ma nuit. Finis ta nuit ! Disait ma grand-mère... ou ton assiette ! Mais finis quelque chose ! J'ai pris mes affaires. Des chaussettes dans des bottes en caoutchouc. Le reste a suivi. Il ne faisait pas chaud. J'avais le crâne qui me démangeait dans le sens des aiguilles. J'ai regardé l'heure rouge sur fond. Dilatée. Elle battait... surtout le point entre les lettres. 
Je suis partie. 
La rue pour la trouver, c'était juste une question à ne pas se poser. Je crois. Mais si quelqu'un l'a vue... ça m'arrangerait.

DIMANCHE MATIN N'ARRÊTE PAS

 J'aurais aimé. Redemander. Me resservir et puis saucer, ça ne se fait pas. Reprendre une part de gâteau. En prendre jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien. Sans rien proposer. Sans rien partager. Rien que pour moi et m'en déborder. La cuillère de trop qui touche le fond qui racle le plat. Vider ce qui peut se vider et ce qui ne se vide pas. Et le goût de revenez-y et le goût de j'ai pas fini. Et en revenir et puis y revenir, j'en reviendrai pas et j'ai pas envie de revenir. Aller au loin jusqu'à faire un trou, tout au fond du trou et toucher le bout, ce qu'il y a derrière, ce qu'il y a après. Courir plus vite et me dépasser. C'est pas fini j'ai dit, il n'y a pas de fin. Ça recommencera et recommencer, tête la première, m'insatisfaire, ne plus être là, être à la fois d'après, celle qui me continuera. J'aurais dû commencer. Commencer une fois, et ne plus jamais, jamais m'arrêter. 
Les bottes de cent lieux dans la vitrine l'autre fois... j'aurais mieux fait de les acheter.

samedi 15 octobre 2016

LUNE



Ils ont trouvé une chaise sur la lune... Alors ils ont cherché quelqu'un.


dimanche 18 septembre 2016

BIEN AVANT



Elle avait commencé à lui faire du bouche à bouche bien avant qu'il ne se noie... ça lui a sauvé la vie bien avant qu'il ne meure.

ABUS


- Trop c'est trop ! Hurla Robert. Et Polette aussi.
- On n'y voit plus rien !
- Ah ! Toi aussi tu trouves ?


PHILANTHROPIE


- J'ai mal à l'oeil. Dit-elle. Tu en veux un peu ?

FIN... D'ÉTÉ.



She asked me… he’s gone… it was one year ago… it was tomorrow… it was this morning… it was now... et je ne parle pas anglais ( I don't speak english )...

jeudi 18 août 2016

FÈVE


Robert a dit : On partage ?
Polette a dit : Je t'aime.
Robert a dit : La fourchette a quatre dents, deux chacun.


JE DIS MARDI PARCE QUE C'EST JEUDI, PARCE QUE MARDI C'EST LE JOUR DU BAIN ET JEUDI AUSSI.


Elle a noyé sa main ce matin dans l'eau de son bain. 
N'en parlons plus.
C'était une bêtise.

mardi 21 juin 2016

RESPECTONS LES ANCHOIS !


Effectivement, nous ne sommes pas certains qu'ils soient tous frères et soeurs... parce que notre souci est quand même de ne pas disloquer les familles, vous comprenez ?... Mais ils ont néanmoins un air de ressemblance... et s'entendaient particulièrement bien lors des activités de salage. Évidemment qu'ils sont appertisés au dernier moment... pour qu'ils ne souffrent pas de claustrophobie abusive... sinon ça fait des anchois crispés qui font la gueule... sans le moindre sourire... imbouffables !
Non mais vous nous prenez pour qui ?


JEU


Polette, Robert et Marcel adoraient se pendre par la queue pour s'amuser et faire les fiers-à-bras, surtout Robert et Marcel pour montrer à Polette de quoi ils étaient capables...

EXTRÉMISME



Polette adorait porter de la fourrure avant d'être ficelée dans du papier journal... vendue à la criée sur un étal dégoulinant.
Personne ne la reconnut ce jour-là.


LES TEMPS S'ENDURCISSENT MAIS SERONT BIEN BALAYÉS


Ils ont des solutions ! Les queues seront vendues pour faire des balayettes... Ils cherchent encore avec quoi on va faire les pelles...