mardi 22 avril 2014

ÉCRIRE 3.


     Cher et redoutable Écrivain que je viens de lire,

     L’absorption massive d’assemblages compactes de mots et de ponctuations est parfois pernicieuse et comédogène… Je tiens à ma peau… Les points, tous aussi noirs les uns que les autres, s’alignent sous une rangée dense d’hameçons typographiques… 
Je m’interroge…
Je me suis pris les yeux dans vos écrits, pendant que d’autres se prennent les pieds dans les tapis, même s’ils tendent à disparaître sous la poigne déterminée d’allergiques bouffis et rougeauds… Mais c’est un autre sujet. 
Veuillez m’excuser un instant, très court, que je me rassemble autour du… point qui m’amène à vous, à toi… Oui, toi qu’il me semble connaître tant tes écrits me tapotent l’épaule... laisse-moi un autre instant … l’émotion m’étreint…
Alors ? Je fais quoi MÔsieur l’Écrivain ?... Je fais quoi maintenant que je vous ai lu ?...
Je tente dans un espoir confus de t'imaginer en plein acte... 
Es-tu vieux, jeune, court sur pattes à force d’écrits ?…  L’atrophie des membres inférieurs s’observe au pied de dynasties d’écrivains assujettis à l’attablement immobile. 
Es-tu écrivain comme les ascendants des ascendants de tes ascend…  flanqués d’un ADN en forme de spirale à cahier pour écrire ainsi ? 
Avoue ! Tu ne te contentes pas de la correction orthographique, ni du dictionnaire des synonymes qui égayent la panoplie du petit bricoleur de Word… 
As-tu les mains surdéveloppées ? Dont les doigts, au moins deux fois plus nombreux que ceux de l’Homme commun,   galopent sur un azertyuiop aux touches creusées par la passion…
Tu roules la bille ?
Griffes-tu alors?
Mieux encore, tu uses le graphite ? Du B6 limé à la main, tendre comme une escalope de veau nourri à la tartine de beurre et au chocolat chaud, pour savourer la douceur d’un couchée d’inspiration, la sensation de la cursive en formation... Ou alors, tu es praticien du H3 peut-être 4…
Non ? Du H6 chargé d’argile qui file à la vitesse de l’idée ?
Trois fois oui, je tiens à ma peau, j’ai peur de sombrer dans l’ennui mortel... parce que je vais faire quoi maintenant que j’ai lu tes mots de tous mes yeux, à fond, plusieurs fois et encore... Mes pupilles agonisent, excessivement bousillées pour espérer palpiter modestement en... que me reste-t-il ?  Le fuseau, cet indispensable attirail à broder de la Ponote biberonnée à la perle du Velay... mais peut-on gribouiller avec ?...
Alors ?... Je vais faire quoi, si je n’ose plus écrire ?
Tu as terni ma vocation. Je me sens happée par la jalousie. Mon orgueil frôle l'apathie. La conscience m'accapare. 
Je suis dorénavant au petit exercice rédactionnel ce qu’un Mondrian est au minutieux patchwork de tartan, schématique à des lieux à la ronde…
Il doit même exister une police de caractère qui porte ton nom… Je le sais, je le sens !...
Je vais me mettre à bouffer de désespoir, je crois encore pouvoir distinguer au tâté une cuisse de poulet d’un pot de yaourt plein... encore… Mais pour combien de temps ?

P.S. Merci.

2 commentaires:

  1. Quel régal !
    Mais pourquoi je n'ai pas eu l'idée de venir avant ce soir...
    j'adore ton écriture si la caméra était branchée tu me trouverais toute verte de jalousie ...

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    1. Merci Josette...Je m'en trouve toute ragaillardie! Pas que tu sois verte, mais que tu apprécies...Josette Merci...

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