mardi 12 mai 2015

L'IMMEUBLE DE LA RUE... QUELLE HISTOIRE !



Madame Salmo Stamboglis, veuve inopinée, s'était fâchée définitivement avec Ermo vieux garçon vieux, qui n’eut jamais de nom… ou de prénom… on ne sut jamais la fin de l’histoire, ni le début d’ailleurs.  Une sombre affaire de paillasson solitaire pour tout un palier désunissait les voisins du quatrième et dernier étage. Le couple désamoureux se déchirait l’objet de convoitise, qui changeait de porte à tout va, à tous vents depuis les grandes pluies de 57, à moins que ce ne fût celles de 54… On les entendait jusque dans les talons de l’immeuble, se déchirer la voix dans des excès de colère qui prenait des tonalités dramatiques quand les intempéries salopaient leurs godasses… 
Au troisième, Guillermo Gavagnin avait entassé dans tous les recoins de son appartement, une collection de balais à frapper les trois coups, souvent plus, sous le plancher de Salmo. Son plafond en était creusé-bosselé comme s’il avait subi les foudres d’un orage de grêlons ascendants, des grêlons comme des balles de ping-pong quand même. Mais peu importait l’état du ciel de sa salle à manger, de sa chambre ou de son bureau, seul l’état silencieux de son trois pièces, alcôves, office et balconnet compris, comme spécifié sur l’acte notarié, avait une importance primordiale. 
Antonioni Pantaleom était sourd comme un pot à tabac plein d’air depuis l’explosion de la conduite de gaz, qui avait choisi sa propre cuisine pour s’exprimer avec emphase. Les mélopées tonitruantes des deux énergumènes propriétaires du même paillasson ne l’empêchaient donc pas de dormir sur son unique oreille, l’autre avait disparu le jour de la catastrophe.  
Eduardo Crippa vivait seul au second, juste au-dessous de Gavagnin, à qui il reprochait, en plus de tout le reste, la démarche ferrée arythmique, qui résonnait très tard dans la nuit. Gavagnin boitait du côté gauche, traînait la savate du côté droit, dans un état insomniaque de long en large six nuits sur sept, seule sa picolette rituelle du samedi soir lui ouvrait les chemins d’un sommeil lourd ronflant entêtant cauchemardesque mais salvateur pour Eduardo Crippa. Le dimanche était le jour maudit de la gueule de bois décuplant sa claudication, accentuant le glissando de sa mule qui avait creusé année après année une tranchée d’une profondeur relative, mais visible à l’œil nu, dans le plancher. Phénomène qui lui valait toujours la même remarque à chaque nouvelle petite infirmière, qu'il avait la manie d'utiliser comme des mouchoirs jetables... : « Mais quelle merveilleuse idée ! Une coursive secondaire cyclable dans un appartement … ». La phrase ascendante jusqu’à « cyclable », chutait alors dans un vide absurde à « appartement » juste après avoir flotté un long moment à « dans un », et finissait sur trois points de suspension qui remplaçaient au pied levé le point exclamatif prévu en théorie en début d’ étonnement, évitant soigneusement à la dernière minute de se transformer en point interrogatif plus hagard qu’ investigateur… ( À trois, tout le monde respire… ). La simplette à court changeait de sujet, soudain nez à nez avec sa remarque insensée.
« La météo s’est encore trompée » S'esclaffait-elle gênée. Point.
Olivieri n’était jamais là, personne ne l’avait jamais vu ou vue, était-ce un homme, une femme… Gina Olivieri ou Luigi Olivieri… personne ne savait, et ne sut jamais… Crippa joua souvent de la sonnette de cette inconnue, dont il était convaincu du sexe, pour livrer en pâture à ses fantasmes, un goût et une saveur. Il était persuadé que l'amour se trouvait là derrière cette porte borgne sous la forme d'une élégante pusillanime, qu'il avait entendu éternuer en rafale, un soir en sortant les poubelles... Il a même été plus d'une fois surpris à chanter de l'opéra à genoux sur le paillasson en pâmoison devant l'oeilleton, sans jamais réussir à faire frémir la porte sous ses ardeurs sonores. Ce n'est pas qu'il chantait mal, mais il chantait fort à des heures de basse écoute théorique. Son engouement fit l'objet d'une réunion de copropriétaires extraordinaire. Il obtînt l'autorisation de s'exprimer 3 fois par semaine dans un répertoire varié pour satisfaire le plus grand nombre. Ermo expert en chant lyrique devînt son impresario en organisant des concerts clandestins dits "de cage". Il entassait les passionnés dans les escaliers en encensant l'acoustique remarquable du lieu qui devînt rapidement prisé par tous les mélomanes de la ville. Madame Salmo Stamboglis sauta sur l'occasion pour vendre ses biscotti maison aux entractes, sans jamais adresser la parole à Salmo sauf pour des questions ordinaires comme " Il ne l'a pas déjà chanté celle-la ? ". Quant à Guillermo Gavargnin, il était rétribué en bibine pour que n'éclate pas un pugilat à chaque exhibition de Crippa.
Lunardo amateur de bateaux à vapeur était l’administrateur de l’association " Degli Amanti degli Barche a Vapore " en bassines, l'ABV... en bassines. Les bateaux étaient des formats réduits, les points d’eau, des cuvettes d’eau de pluie. Lunardo sombra lors d’une croisière, dans la piscine du pont intermédiaire. Une histoire de profondeur relative de bassine à peine plus grande que d’habitude avait eu raison de lui !... Il était entré dans la pataugeoire à l'envers, par la tête, avec beaucoup trop d'élan... la réverbération d'un soleil radieux avait faussé  toute appréhension réaliste de l'endroit. 
G. Napolitans concierge de son état, et de l'immeuble s'était offert une place sur le panneau des sonneries des copropriétaires par l'entremise de Lunardo à qui elle fournissait des serpillères quand ses bassines débordaient. 
C'est en lustrant les plaques nominatives quotidiennement que Madame Stamboglis et Gracia la concierge, devinrent très proches. Dépitée à l'idée que sa sonnette ne retentisse jamais, Amédéa s'évertuait à faire vérifier son bon fonctionnement régulièrement. Et qui c'est qui s'y collait  ? Gracia la concierge, le personnage le plus enclin à faire ce genre de vérification. Leur rapport se limita longtemps à des hurlements de politesse de balcon à trottoir.
- GRACIIIIIA COMMENT TU VAS ? SONNE VOIR, JE VAIS ÉCOUTER... Lançait Madame Stamboglis de toutes ses forces dangereusement penchée au travers des géraniums de son balcon, la bouche protégée par ses mains censées servir de porte-voix.
- AMÉDÉÉÉÉÉA,  J'AI SONNÉ, TU AS ENTENDU ? ET JE VAIS BIEN ET TOI ? 
- RECOMMENCE GRACIA S'IL TE PLAÎT, J'AI PAS ÉCOUTÉ... QUEL BEAU TEMPS AUJOURD'HUI !
- JE RECOMMENCE AMÉDÉA, ALORS ÇA SONNE ?... C'EST VRAI QUEL BEAU TEMPS !
- JE SAIS PAS, JE SUIS SUR LE BALCON...



3 commentaires:

  1. là c'est sûr ils m'ont entendu à Perpignan !!!!!!!!!!!!!!

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    1. Tu crois qu'ils disent à Perpignan, c'est le vent du nord aujourd'hui, on entend le rire de Gab !

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  2. la vie mode d'emploi...nouvelle revue pour animer les zygomatiques

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